POLITIQUE
L’Opinion écrit sur le conflit arméno-azerbaïdjanais du Haut-Karabagh
Paris, 26 mai, AZERTAC
Le journal français L’Opinion vient de publier un article sur le conflit-arméno-azerbaïdjanais du Haut-Karabagh.
L’AZERTAC présente l’article dans son intégralité.
La guerre de quatre jours en avril a changé la donne sur le terrain et pourrait permettre une relance des discussions, alors que l’Arménie s’inquiète
Les faits — La France se propose d’accueillir, fin juin, un sommet international sur le Haut-Karabagh pour tenter de résoudre le conflit qui oppose l’Arménie et l’Azebaïdjan autour de cette région. Début avril, une guerre de quatre jours entre les deux pays a fait une centaine de morts.
Cela lui a coûté, mais le président Serge Sarkissian a fini par le reconnaître, le 17 mai : contrairement à ce qu’assuraient les bulletins de victoire, les troupes arméniennes ont bien dû céder quelques arpents de terre lors de l’offensive de l’armée d’Azerbaïdjan durant la « guerre des quatre jours », du 2 au 5 avril dernier. 800 hectares, dit-il alors que le camp d’en face parle de 2000. 8 km2 ou 20 km2, l’enjeu semble dérisoire rapporté au 8 000 du territoire contesté - l’équivalent de l’Alsace. Mais cette petite victoire militaire azerbaïdjanaise a changé la donne politique : pour la première fois depuis le cessez-le-feu de 1994 et sa défaite face aux Arméniens, l’Azerbaïdjan est parvenu à reconquérir des terres qui lui appartiennent au regard du droit international. Il s’agit, comme l’indiquait l’Opinion dès le 12 avril, de huit collines dans deux secteurs différents, au sud et au nord de la ligne de contact qui sépare les deux belligérants.
Depuis cette flambée de violence début avril et même si des incidents meurtriers sont signalés, « les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d’action », comme on le dit dans les Tontons flingueurs. Les présidents des deux pays, Serge Sarkissian et Ilham Aliyev se sont rencontrés à Vienne, le 16 mai, à l’initiative du secrétaire d’État américain John Kerry. Cette réunion se déroulerait dans le cadre du « groupe de Minsk » (États-Unis, Russie et France) au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui tente, depuis 1992, d’aboutir à une résolution pacifique du conflit. Les deux chefs d’État ont confirmé leur attachement au cessez-le-feu du 5 avril et ont accepté le principe d’un nouveau sommet. Celui-ci pourrait se tenir à Paris à la fin du mois de juin.
Principes de Madrid. Une base de règlement existe, sous le nom de « principes de Madrid ». L’idée essentielle est de conjuguer, dans le cadre du « non-recours » à la force, deux grands principes pas toujours compatibles : le droit à l’autodétermination des peuples et le respect de l’intégrité territoriale des États souverains. Le Haut-Karabagh est le fruit de l’ingénierie ethno-nationale de Staline : ce massif montagneux, peuplé majoritairement d’Arméniens, était un « oblast » (région) autonome de la République soviétique d’Azerbaïdjan. Ce territoire était séparé de quelques kilomètres seulement de la République soviétique d’Arménie. Lors de la composition de l’URSS, une guerre a opposé les deux peuples, au terme de laquelle l’Azerbaïdjan a perdu le contrôle de 20 % de son territoire. Non seulement l’ancien « oblast » devenu République du Haut- Karabagh (pas reconnue par la communauté internationale) mais également sept districts à sa périphérie.
Selon les diplomates, l’idée de base d’un règlement est la suivante : l’Arménie évacue ses districts, ce qui permettrait à l’Azerbaïdjan de les récupérer, en échange de la reconnaissance par celui-ci du droit à l’autodétermination de la population du Haut- Karabagh, habité d’environ 100 000 Arméniens. Au regard de l’exaltation nationaliste qui règne dans les deux pays, il est peu probable que cette solution s’impose aisément. En 2014 et en 2015, des sommets entre les deux pays s’étaient soldés par des échecs.
Montée en puissance. Reste que l’Arménie, qui était jusqu’à présent satisfaite du statu quo, sent le vent tourner et pas à son avantage. L’Azerbaïdjan est à la fois plus peuplé et nettement plus riche, grâce au pétrole, que sa voisine - dont l’économie n’est guère florissante et la démographie en berne. L’Azerbaïdjan a entrepris de se doter d’une armée plus efficace, avec des équipements russes et l’appui des Israéliens et des Turcs. Sa montée en puissance n’est pas achevée, mais les résultats de l’offensive d’avril indiquent que le rapport de force a déjà évolué.
À ce facteur militaire s’ajoute le fait que les Arméniens ont désormais peur d’être lâchés par la Russie, leur alliée traditionnelle. En avril, Moscou a imposé́ le cessez-le-feu. Un embrasement obligerait Moscou à venir à l’aide de l’Arménie, dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective, alors que la Russie n’a aucune envie et aucun intérêt de rompre avec l’Azerbaïdjan. Comme l’explique un diplomate russe de haut rang, « des deux côtés, ce sont nos alliés. Nous n’allons jamais lâcher l’Arménie pour des raisons historiques et géopolitiques. Mais le temps est venu pour les deux parties de faire un pas en avant. Il faut un compromis, mais les Arméniens sont un peu trop têtus ». Quand à Moscou, on commence à trouver qu’un État de son « étranger proche » est têtu, celui-ci a peut-être de bonnes raisons de commencer à s’inquiéter...