Interdiction du voile aux JO Paris 2024 : Amnesty dénonce « l’hypocrisie discriminatoire » de la France

Paris, 19 Juillet, AZERTAC,
À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, Amnesty International condamne fermement l’interdiction du port du voile pour les athlètes françaises. Cette mesure, aux conséquences « dévastatrices » pour les femmes musulmanes, révèle l’existence d’une politique discriminatoire de « deux poids, deux mesures ».
« On ne respire plus. Même le sport, on ne peut plus le faire. » Personne ne devrait imposer à une femme comment elle doit s’habiller. Cependant, la France fait partie des rares pays à appliquer cette interdiction dans divers milieux, y compris le sport, dénonce Amnesty International dans son dernier rapport publié le mardi 16 juillet, à moins de dix jours de l’ouverture des JO de Paris 2024. Pour l’organisation de défense des droits humains, l’interdiction du foulard pour les athlètes françaises « viole le droit international des droits humains » et « révèle l’hypocrisie discriminatoire des autorités françaises » ainsi que « la faiblesse et la lâcheté du Comité international olympique (CIO) ».
En réponse à une lettre d’une coalition d’organisations lui demandant d’agir, le CIO a esquivé le problème, affirmant que l’interdiction des couvre-chefs sportifs imposée par la France ne relevait pas de sa responsabilité et que « la liberté de religion est interprétée de différentes manières par différents États ».
Pourtant, une telle mesure crée « une situation intenable où le pays hôte des Jeux olympiques enfreint plusieurs de ses obligations au regard des traités internationaux des droits humains auxquels il est partie, ainsi que les engagements et valeurs énoncés dans le Cadre stratégique relatif aux droits humains du CIO », selon l’ONG.
La France, une triste exception en Europe
L’interdiction du voile va à l’encontre des règles en matière d’habillement de plusieurs fédérations sportives internationales comme la Fédération internationale de basketball (FIBA), la Fédération internationale de football (FIFA) et la Fédération internationale de volleyball (FIVB), souligne Amnesty International. Après avoir étudié les règlements sportifs dans 38 pays européens, l’ONG conclut que la France est « le seul pays à avoir adopté une interdiction des couvre-chefs religieux, que ce soit par des lois nationales ou des règlements sportifs spécifiques ».
Ces interdictions, imposées par des fédérations sportives tant au niveau professionnel qu’amateur, excluent de nombreuses femmes musulmanes des activités sportives et les privent des entraînements et des opportunités compétitives nécessaires pour atteindre le niveau olympique.
Les conséquences de ces interdictions sont « dévastatrices » pour les femmes concernées, et « à tous les niveaux en France » dans le sport, indique le rapport. Ces règles sont « sources d’humiliation, de traumatisme et de peur » et poussent de nombreuses femmes et filles « à abandonner des sports qu’elles aiment, ou à quitter le pays pour pouvoir jouer », portant atteinte à leur droit à la santé mentale et physique.
L’interdiction est d’autant plus mal vécue que les athlètes étrangères participant aux JO pourront porter le foulard, ce qui révèle une « hypocrisie ». « Pour moi, c’est de l’hypocrisie, témoigne une joueuse de volleyball dans le rapport, en réaction aux déclarations de la ministre des Sports en septembre 2023. On accepte que les autres viennent avec leurs foulards, leurs turbans. Mais pour les Françaises, c’est impossible. C’est très dur. »
L’instrumentalisation de la neutralité de l’État et de la laïcité à des fins « discriminatoires »
« Interdire aux athlètes françaises de participer aux Jeux olympiques et paralympiques si elles portent un couvre-chef sportif vide de leur sens les affirmations selon lesquelles les Jeux olympiques de Paris 2024 sont les premiers à atteindre la parité des genres et met au jour la discrimination raciale et liée au genre qui caractérise l’accès au sport en France », déclare Anna Błus, chercheuse sur les droits des femmes à Amnesty International. De telles règles discriminatoires entravent également « les efforts en vue de rendre le sport plus inclusif et accessible ».
Selon le droit international, la neutralité de l’État et la laïcité ne justifient pas les restrictions aux droits à la liberté d’expression et/ou à la liberté de religion, rappelle Amnesty. Cependant, depuis plusieurs années, les autorités françaises instrumentalisent ces concepts pour justifier des lois et politiques aux conséquences disproportionnées pour les femmes et filles musulmanes. Cela s’inscrit dans une campagne de réglementation des vêtements des femmes musulmanes en France, menée depuis 20 ans et alimentée par les préjugés, le racisme et l’islamophobie genrée.
Bien que les autorités françaises n’aient laissé « aucun doute sur le fait que leurs efforts visant à améliorer l’égalité des genres et l’inclusivité dans le sport ne s’appliquent pas aux femmes et filles musulmanes portant un couvre-chef religieux », elles sont aujourd’hui plus que jamais appelées à revoir leur politique. « Il n’est pas trop tard, les autorités françaises, les fédérations sportives et le CIO peuvent encore prendre la bonne décision et annuler toutes les interdictions visant les athlètes portant le foulard dans le sport en France, tant pour les Jeux olympiques d’été que pour toutes les activités sportives dans le pays, à tous les niveaux », plaide l’ONG.