MONDE
Soudan : face aux atrocités commises par les belligérants, l’ONU réclament une force d’intervention pour protéger les civils
Bakou, 6 septembre, AZERTAC
Les parties belligérantes au Soudan ont commis une « série de violations effroyables » des droits humains dont plusieurs pourraient constituer des « crimes de guerre et des crimes contre l’humanité », ont indiqué vendredi des enquêteurs indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, recommandant un embargo sur les armes et le « déploiement sans délai » d’une force « indépendante et impartiale » afin de protéger les populations civiles.
Dans son premier rapport, la Mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan note que les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide ainsi que leurs alliés respectifs, ont été reconnus responsables de violations systématiques à grande échelle.
Le document de 19 pages, basé sur 182 entretiens avec des survivants, des membres de leur famille et des témoins, indique que l’armée soudanaise et les forces paramilitaires de soutien rapide (FSR) sont responsables d’attaques contre des civils. Elles ont eu recours à la torture, au viol et à d’autres formes de violence sexuelles.
Les parties belligérantes ont également procédé à des arrestations arbitraires. Ces violations pourraient constituer des crimes de guerre liés à des atteintes à la vie et à l’intégrité physique et à des atteintes à la dignité de la personne, selon le rapport.
Pour le déploiement « sans délai » d’une force indépendante de protection des civils
« La gravité de ces conclusions souligne le besoin urgent et la nécessité d’une action immédiate pour protéger les civils », a déclaré Mohamed Chande Othman, Président de la mission d’établissement des faits, appelant au « déploiement sans délai d’une force indépendante et impartiale ayant pour mandat de protéger les civils soit déployée sans délai ».
Le conflit, qui s’est étendu à 14 des 18 États du Soudan, a fait des dizaines de milliers de morts et de blessés parmi les civils, déplacé près de 10 millions de personnes dont deux millions ont été forcés de fuir vers les pays voisins.
Les parties belligérantes ont aggravé considérablement la crise en entravant l’accès humanitaire, selon le rapport.
Le rapport révèle également des motifs raisonnables de croire que les Forces de soutien rapide et leurs milices alliées ont commis d’autres crimes de guerre, y compris le viol, l’esclavage sexuel, le pillage, le fait d’ordonner le déplacement de la population civile, et le recrutement d’enfants de moins de 15 ans dans les hostilités.
Les agressions effroyables commises par les Forces de soutien rapide et leurs alliés contre les communautés non arabes – en particulier les Masalit d’El Geneina et de ses environs, dans le Darfour Occidental – comprenaient des meurtres, des actes de torture, des viols et d’autres formes de violence sexuelle, des destructions de biens et des pillages.
Attaques à caractère ethnique au Darfour
Dans certaines régions du pays, la violence a pris une tournure ethnique. Ceci est particulièrement manifeste dans les attaques menées contre la communauté Masalit non arabe dans le Darfour occidental.
Les femmes ont été agressées, violées et dépouillées de leurs biens en raison de leur appartenance ethnique. Les agresseurs ont utilisé des termes péjoratifs à propos des Masalit dans le contexte des viols et d’autres formes de violence sexuelle.
Le document relate le témoignage d’une survivante d’El-Geneina. Les forces paramilitaires nous ont dit qu’elles feront « en sorte que les filles Masalit donnent naissance à des enfants arabes » après avoir été violée à l’intérieur de sa maison sous la menace d’une arme. Plusieurs femmes ont rapporté que les FSR et ses milices alliées leur avaient explicitement dit de partir pour le Tchad et de ne pas revenir sous peine d’être blessées.
Les viols et autres formes de violence sexuelle documentés ont été largement attribués à des hommes portant l’uniforme des FSR et, dans le contexte du Darfour, à des hommes armés alliés aux FSR, que les victimes ont appelés les milices « Janjaweed », portant des vêtements traditionnels et un châle autour de la tête, masquant la plupart des traits de leur visage.
Utilisation d’enfants dans les hostilités
Il existe également des motifs raisonnables de croire que les actes commis par les Forces de soutien rapide et leurs milices alliées constituent de nombreux crimes contre l’humanité, notamment le meurtre, la torture, l’esclavage, le viol, l’esclavage sexuel, toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable, la persécution fondée sur l’appartenance ethnique et le genre, ainsi que les déplacements forcés.
A ce sujet, les paramilitaires des FSR et les milices alliées ont systématiquement recruté et utilisé des enfants dans les hostilités. Des témoins ont rapporté que de jeunes garçons ont été vus avec les FSR et les milices alliées à El-Geneina, Ardamata et dans d’autres localités le long de la frontière avec le Tchad, ainsi qu’à Zalingei, Nyala, Wad Madani et Khartoum. Des rapports indiquent également que des enfants ont combattu aux côtés des paramilitaires des FSR à El-Fasher.
Des garçons de moins de 18 ans ont également été soumis à des actes de torture ou à des mauvais traitements et parfois à des violences sexuelles en détention.
Un rapport devant servir de signal d’alarme à la communauté internationale
Selon les enquêteurs, les efforts déployés par les autorités soudanaises pour enquêter et poursuivre tous les responsables de crimes internationaux ont été entachés par un manque de volonté manifesté par une justice sélective et un manque d’impartialité.
Le rapport appelle également à la mise en place d’un mécanisme judiciaire international distinct travaillant en tandem et en complémentarité avec la Cour pénale internationale (CPI).
Le rapport recommande aussi d’étendre l’embargo sur les armes en vigueur au Darfour, conformément à la résolution 1556 (2004) du Conseil de sécurité. Ceux qui fournissent des armes, le rapport avertit, pourraient être complices de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire.
« Ces conclusions devraient servir de signal d’alarme à la communauté internationale pour qu’elle prenne des mesures décisives afin de soutenir les survivants, leurs familles et les communautés affectées, et d’amener les auteurs présumés à prendre leur responsabilité », a déclaré Mona Rishmawi, membre de la Mission. (ONU)