L’industrie automobile française au bord de l’effondrement

Paris, 12 mai, AZERTAC
L’automobile française traverse une crise profonde. Portée par les deux géants que sont Renault et Stellantis, elle fait face à un effondrement du marché et à des normes européennes jugées trop contraignantes. Dans une interview accordée au Figaro, les PDG John Elkann (Stellantis) et Luca de Meo (Renault) tirent la sonnette d’alarme : si rien ne change rapidement, plusieurs usines pourraient fermer d’ici trois ans.
Depuis 2019, le marché européen est passé de 18 à 15 millions de véhicules vendus par an, et cette chute pourrait se poursuivre jusqu’à une division par deux d’ici à 2035. En France, le mois d’avril 2025 a vu une baisse de 5,63 % des immatriculations, selon les données d’AAA Data. Une tendance inquiétante, aggravée par une réglementation européenne jugée trop complexe et par une demande en nette baisse.
L’un des problèmes majeurs, selon les dirigeants, est l’impossibilité de produire des voitures abordables. « Les réglementations européennes rendent nos voitures plus lourdes, plus complexes et plus chères », déplore Luca de Meo. Il affirme que 92,5 % de la hausse de 40 % du prix d’une Renault Clio entre 2015 et 2030 est due à ces règles.
Des normes comme GSR2, qui imposent l’intégration de technologies coûteuses même sur les petits modèles, ou encore des tests de sécurité mal adaptés, font grimper les prix et découragent les acheteurs. Résultat : la part des particuliers dans les ventes de voitures neuves est tombée de 62 % en 2001 à seulement 43 % en 2025. Beaucoup se tournent désormais vers l’occasion, dont les ventes ont encore progressé (+3,1 % en avril).
La transition vers l’électrique, censée être une solution, aggrave le malaise. Chez les particuliers, les ventes de véhicules électriques chutent de 44 %, freinées par la baisse des aides publiques et des prix trop élevés. Seule la nouvelle Renault R5 parvient à tirer son épingle du jeu en restant la voiture électrique la plus vendue. Côté entreprises, les flottes continuent de soutenir le secteur (22 % des immatriculations), mais cela ne suffit pas à relancer le marché.
John Elkann critique la stratégie européenne centrée sur le “zéro émission" d’ici 2035, qui ne tient pas compte de la réalité d’un parc automobile vieillissant — avec un âge moyen de 12 ans. Il plaide pour une approche plus souple et plus réaliste, qui reconnaîtrait aussi les mérites des véhicules thermiques modernes et hybrides.
Face à la concurrence des États-Unis et de la Chine, qui protègent activement leur industrie, l’Europe semble désarmée. « Tous les pays défendent leur industrie, sauf l’Europe », dénonce Luca de Meo. Avec John Elkann, il appelle à une refonte profonde des règles européennes : assouplissement des normes pour les petits modèles, application progressive des réglementations aux nouveaux véhicules, et création d’un guichet unique à Bruxelles pour éviter les incohérences.
Sans ces réformes, Elkann prévient que des choix difficiles devront être faits dans les trois prochaines années, menaçant directement l’emploi industriel. Il appelle la France, l’Italie et l’Espagne — principaux producteurs de voitures populaires — à mener ensemble ce combat.
Carlos Ghosn, ancien PDG de Renault, apporte une vision pessimiste : selon lui, Renault est redevenu un petit constructeur centré sur l’Europe et devra nouer des alliances, notamment avec la Chine, pour espérer survivre.
L’année 2025 pourrait bien être un tournant crucial pour l’industrie automobile française. Sans un sursaut politique et industriel fort, elle risque de devenir un simple marché d’importation, au détriment de son tissu industriel et de son identité nationale.