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Novrouz 2021, l’ambassadrice d’Algérie à Bakou à la découverte de l’Azerbaïdjan profond
Bakou, 1er avril, AZERTAC
L’ambassadrice d’Algérie à Bakou, Mme Salima Abdelhak, a profité des vacances de Novrouz en Azerbaïdjan pour découvrir les régions nord-ouest du pays. Nous présentons les impressions qu’elle a partagées avec nous sur son séjour dans ces régions de l’Azerbaïdjan :
Après une année exceptionnelle marquée par un régime de confinement dû à la conjoncture sanitaire qui a limité les déplacements dans le pays, j’ai choisi de me rendre dans les régions Nord-Ouest de l’Azerbaïdjan à l’occasion de la fête de Novrouz et plus précisément à Zagatala et Chéki pour célébrer l’avènement du printemps et l’éclosion de la vie en pleine campagne et dans le terroir pour rester dans l’esprit de Novrouz en contact avec les quatre éléments de la vie que sont la terre, l’eau, l’air et le feu et aux côtés d’amis azerbaidjanais de cette région.
L’hospitalité de ces derniers a fait que le séjour qui devait durer deux jours s’est finalement prolongé pour une semaine tant il y avait beaucoup d’endroits à découvrir et de choses à connaitre dans l’Azerbaïdjan profond et sur ses habitants.
Pour arriver au village de Tala de Zagatala où une maison d’hôte exceptionnelle m’a servie de gite, un voyage en voiture m’a permis d’apprécier l’infrastructure routière qui relie Bakou à la partie nord-ouest du pays traversant les montagnes, les plaines, les forêts et les rivières. Un défilé de paysages panoramiques a agrémenté la traversée de 400 km tantôt sous la pluie ou dans le brouillard tantôt sous une éclaircie éclatante dévoilant à l’horizon le massif alpin du grand Caucase habillé d’une toque blanche. Une halte à Meysari, un village de Chamakhy, m’a fait découvrir un relais de restaurants qui offrent des spécialités locales dont des confitures inédites d’amendes et de noix franches.
Nichée au pied de la montagne à Youkhari Tala, la maison d’hôte offrait un havre de paix. Un intérieur en bois douillet et fort confortable dont le salon s’organise autour d’une cheminée de feu trépidant et de sofas et de tables qui verront l’étalage de mets locaux variés au gout fin et sophistiqué. Les baies vitrées quant à elles vous invitent au jardin verdoyant conçu avec expertise pour mettre en valeur une biodiversité harmonieuse aux écosystèmes diversifiés où des paons, des canards, des coqs et des oiseaux se socialisent en toute quiétude.
Au programme du séjour,
- Une découverte du village de Tala et ses alentours au travers d’une randonnée en montagne de Mechlech à 950 m d’altitude qui abrite seulement 25 familles. Pour y arriver, nous avons longé une panoplie de champs familiaux bien entretenus qui renseignent sur l’attachement des habitants de cette région à leur terre et le respect qu’ils portent à la nature nourricière. Des cerisiers, des abricotiers, des pêchers et surtout des noisetiers en fleurs longeaient la plaine qui nous amenait vers les sentiers montagneux. Nous avons traversé la rivière Tala, toute en galets avec quelques cours qui provenaient de la fonte de neige, changements climatiques obligent. A l’arrivée, une plateforme en balcon vous offre un spectacle majestueux de paysage de montagne par excellence et un panorama exceptionnel sur la vallée, la rivière et les premiers contours des paysages du Daghestan russe. Des paysages qui suscitent émerveillement et contemplation devant la grandeur de la nature et la variété de sa flore.
- Guidée par mes hôtes, la visite à la ville de Zaqatala a permis de découvrir un centre bien organisé autour de maisons à toits aux couleurs variées (rouge, gris, vert et blanc) et d’institutions administratives et éducatives qui renseignent sur le niveau d’instruction de la population de Zaqatala. Epris de musique, le piano est une pièce maitresse dans les maisons des habitants de Zagatala. Le parc de Heydar Aliyev, qui se trouve à Gala Duzu de Zagatala, abrite des arbres de plus de 700 ans. Il surplombe la ville et en donne une vue panoramique. Les ruines de la forteresse Gala Duzu construite en 1830 par les soviétique racontent l’épopée des diverses batailles pour le contrôle de la ville. Au plan économique, Zaqatala est célèbre pour ses noisettes et ses noix qui en font le premier exportateur.
- J’ai saisi l’occasion de ma visite à Zaqatala pour rendre visite au village de Katekh qui abrite le lieu de sépulture d'un cheikh soufi Sofu Baba Pir auquel la population locale rend visite (ziyara) pour prendre sa baraka et pratique le Dhikr lors des festivités familiales locales, une tradition qui rappelle une pratique en Algérie celle de la visite aux « zawiya ».
- La visite à Chéki a permis de découvrir une ville coquette avec une empreinte culturelle. Capitale médiévale de l’Azerbaïdjan, la ville historique de Shaki est située au pied des montagnes du Grand Caucase et se prolonge dans la vallée de la rivière. La ville se caractérise par un ensemble architectural traditionnel de maisons aux hauts toits à pignon. Le Khan Palace, résidence d’été du Khan, est un chef d’œuvre artistique qui témoigne de la richesse de la ville générée par le commerce de la soie au 18ème et 19ème siècle. Décorée de manière somptueuse, les façades du palais sont couvertes de mosaïque de verre coloré assemblée sur treillis de bois (chébéké) sans clous ni colle.
- Les muqarnas en bois, motifs ornementaux de l’architecture islamique à l’époque médiévale ornent les quatre iwans. Soulignés par de l'or au niveau inférieur, les muqarnas sont couverts de fragments de miroirs au premier étage. Les murs sur toutes les façades sont décorés avec des panneaux de carrelage et de mosaïques. Les murs intérieurs et les plafonds de la résidence sont entièrement couverts de fresques peintes représentant des fleurs dans des vases, des paons tandis qu'une série de peintures au premier étage dépeint des scènes de chasse et de bataille.
- En effet, située le long d'importantes routes commerciales historiques, la ville de Chéki a accueilli les marchands et les voyageurs des routes de la soie. Elle a été un centre vital pour l'échange non seulement de marchandises, mais aussi d’idées, de coutumes, de religions et de cultures, le « Caravansérail », qui leur servait d’hôtel et de centre de commerce à l’époque, en est le témoin.
- Une halte à l’atelier de Chébéké a constitué une opportunité pour se familiariser avec cette impressionnante techniques qui crée des pièces artistiques uniques en utilisant l’imbrication de morceaux de bois et de verres colorés sans n’avoir recours ni à colle ni aux clous pour les assembler.
- J’ai également visité le stand artisanal de Chéki ou j’ai pris connaissance de la broderie au crochet, « takelduz » utilisé pour la décoration des vêtements de femmes, des taies d’oreiller et des serviettes pour mettre en valeur la faune et la flore azerbaidjanaise ainsi que des personnages azerbaidjanais. Longtemps exercées par les hommes, cette broderie est désormais pratiquée par les femmes.
- On s’est également arrêté chez les marchands de halwa (halwaci), Ali Ahmad et Halwaci Mahmoud, qui ont bien voulu nous faire visiter leur atelier pour assister à la préparation artisanale de la halwa et des autres friandises de Chéki dont la Bamia.
- Nous avons terminé la visite à Chéki en déjeunant au centre touristique Markhal. Situé dans un bois en montagne, le centre offre différentes prestations de services de qualité aux standards internationaux. Un endroit qui invite au repos et à la détente.
- Dégustation de cuisine locale : Le séjour m’a permis de découvrir une cuisine de terroir riche en légumes de saison, de fromages et beures artisanaux, de miel de châtaignier et de tilleul, de viandes fraiches et séchées et de compotes de fruits inédits. Au menu du petit déjeuner, Maxara, chor, pomidor-youmourta, khalyar, légumes et fruits fermentés ; the et exceptionnellement du café pour moi. Aux repas deuchama plov, surh-ullu, mangal salad, piti, uch badji dolmasi et tant d’autres plats aux goûts salés, acidulés et aigres doux parfumés à la cardamone et aux clous de girofles qui enchantent les palets et qualifient la cuisine azerbaidjanaise au rang des gastronomies élaborées et sophistiquées.
- Les cérémonie de thé est l’autre must auquel vous ne pouvez échapper ni dans les cabanes de foret ni dans les salons de thé encore moins dans les maisons des azerbaidjanais. C’est dans des verres raffinés que les habitants de la région vous offrent le thé à flot. Il se sert et se déverse à chaque fois que les verres se vident. Il s’accompagne de confitures et de gelées inédites de baies, de pastèque, de corneille, d’olives, d’amendes et de noix fraiches autant de nouvelles découvertes pour moi. Les noix, noisettes, pignons, amendes et fruits secs colorent les tables de cérémonie dans des boites en forme de buta ou autres signes propres à l’Azerbaïdjan.
Toute cette hospitalité et générosité s’expriment dans des ambiances familiales heureuses et autours de discussions diverses et de hautes voltiges tant les habitants de cette région sont instruits et dotés d’une spiritualité et de valeurs authentiques. Fiers de leur identité et de leur patrimoine culturel et humain, l’occasion de Novrouz a été une occasion pour mes amis azerbaidjanais et pas des moindres de m’honorer à la manière azerbaidjanaise en m’introduisant dans leurs familles et chez leurs amis et en maquant leur intérêt à connaitre mon pays, ses spécificités, son histoire et sa culture.
Ce séjour d’une semaine dans l’Azerbaïdjan profond avec ses habitants m’a permis de rattraper le temps perdu pendant une année de régime de confinement, de découvrir une partie de l’Azerbaïdjan et de son peuple et de constater de nouveau les fortes similitudes entre l’Algérie et l’Azerbaïdjan et leurs peuples respectifs. En effet, la nature par certains aspects rappelle le massif d’el Ouarsenis et les collines bordant la vallée de la Soummam. Les traditions d’hospitalité et de chaleur humaine empreinte de courtoisie rappellent les pratiques accueillantes des habitants des montagnes de mon pays. Autant d’aspects qui nous rapprochent et qui plaident pour des jumelages à même de valoriser les complémentarités et de les exploiter dans l’intérêt commun.